J’ai passé mon enfance à Louisville, Kentucky, États-Unis, dans les années 1960. Qui sait pourquoi on choisit un métier, mais après avoir suivi des cours de danse très jeune, dès l’age de quinze ans je savais que c’était ce que je voulais faire. Après une formation préprofessionnelle à l’université de Louisville, avec une ancienne danseuse de l’Opéra de Paris, je suis partie à Sarah Lawrence College (New York), où j’ai terminé mes études universitaires en 1979 (Bachelor of Arts). Je me suis alors installée à New York.
La vie est une série de rencontres, qui ouvrent des fenêtres vers des nouvelles directions, et des changements. Voir Valda Setterfield dans un solo créé par David Gordon m’a fait découvrir une nouvelle idée de la performance ; après un stage avec eux, j’ai été engagée pour une pièce avec David, The Matter, et j’ai donc commencé une vie de danseuse à New York, au début des années 1980. Le paradis pour un danseur. Puis est venue Dance, la pièce magnifique de Lucinda Childs, que j’ai vue à la première, et qui m’a éblouie. En 1981 j’ai commencé à travailler avec Lucinda, avec qui j’ai créé et présenté de nombreuses pièces, dont la première reprise d’Einstein on the Beach, de Robert Wilson et Philip Glass (New York, 1984). Extrêmement exigeant, physiquement et mentalement, le travail de Lucinda a influencé fondamentalement ma façon de danser, et de penser la danse. C’est-à-dire que j’aime bouger, en grand, avec des lignes pures et claires, et remplir l’espace. Et pendant tout ce temps, le pain quotidien des danseurs new-yorkais c’était des cours avec, dans mon cas, Maggie Black, Merce Cunningham et d’autres professeurs de son studio, Dan Wagoner, Douglas Dunn, pour n’en citer que quelques-uns.
En tournée en France, j’ai découvert le travail de Jean-Claude Gallotta et son Groupe Emile Dubois de l’époque. L’opposé de Lucinda. Sa troupe était une tribu, et je voulais en faire partie. J’ai eu cette opportunité en 1985, avec Mammame, et le film de cette pièce par Raul Ruiz. Je suis restée en France, j’ai travaillé avec d’autres chorégraphes, entre autres Francine Lancelot, François Raffinot, et Système Castafiore.
Installée en France, j’ai eu deux enfants. À un certain moment, la vie des grands théâtres et des tournées et l’interprétation des pièces des autres devinrent moins attrayantes. J’ai cherché un autre sens dans la pratique de la danse ; depuis une dizaine d’années, je construis des projets avec des gens qui auront peut-être moins l’occasion de rencontrer cette discipline : des femmes en maison d’arrêt, des personnes souffrant de handicaps physiques ou psychiques. Ces expériences ont été l’inspiration de plusieurs pièces, dont Quartier Femmes, un solo dédié aux femmes en prison ; Not for Unsteady Souls, un duo avec un ami devenu tétraplégique ; et une pièce pour dix adolescents autistes.
Depuis mes années à New York je pratique le tai chi chuan, que j’ai continué en France avec le même professeur depuis 1988. Le tai chi, c’est une histoire de transformation : laisser la forme extérieure entraîner des changements à l’intérieur. C’est aussi une histoire de répétition, de confrontation à soi-même à travers cette répétition. Changer de culture est une invitation à la transformation ; les danses de Lucinda mettent en scène la répétition et le changement ; la danse thérapie cherche à offrir aux autres, et à soi-même, une transformation par la danse.
Le changement, la répétition et le questionnement. Je n’avais jamais pensé que je serais toujours, aujourd’hui, en train de danser, mais il semble que, avec le tai chi, cela fait partie du voyage.