Chorégraphie de Priscilla Newell
Dansé par Priscilla Newell et Vincent Fritschi
Créé à la Scène nationale de Bonlieu/Annecy, avril 2008
Une production des Nords Perdus, en coproduction avec Bonlieu/Annecy, Le Château Rouge/Annemasse, et avec l’aide du Centre national de la danse
30 minutes
“Tétraplégique paresthésie. Nous sommes en Août 2003 et le médecin a l’air très heureux en me l’annonçant. Heureux, je l’entends au son de sa voix car je ne vois pas, je ne vois plus. Tétraplégie, le mot est terrible. J’ai 38 ans, dehors il fait beau, le soleil inonde cet été caniculaire, je plonge dans l’hiver. Février 2007, Priscilla me dit son envie que nous dansions ensemble. Je ne suis pas danseur, je ne l’ai jamais été. Et puis que pourrais-je dire avec ce corps qui m’est finalement tellement inconnu et pourtant je suis là sur le plateau, paralysé et pas que par le trac. J’ai taché d’accomplir cette longue route qui me mène aujourd’hui à vous. Priscilla fut mon compagnon, mon guide sur ce chemin. Auprès d’elle j’ai tenté de réhabiter ce corps si fragile, si encombrant. Comment transformer le plomb en plume ? Belle question pour l’alchimie de la danse. Le résultat, vous allez le voir, mais il m’importe moins que ce que vous ne verrez pas c’est-à-dire le cheminement, les expériences qu’a fait ce corps.
Tétraplégie, mais qu’est-ce que cela peut vouloir dire tant que je me rêve oiseau. Si vous me voyez enclume ce sont vos yeux qui vous trompent, car je vous promets, je suis oiseau.
Vincent Fritschi, Décembre 2007
“Elle est assise au centre, elle l’attend le défi. Lui, dans son fauteuil mesure le gouffre qui les sépare. Et pourtant cette distance lentement il la parcourt. Elle se joint à lui et commence une danse qui les verra réuni pendant trente minutes. Ce duo, à corps perdu, à corps fracassé est une invitation, à nous rendre compte que si nous sommes tous bancales nous pouvons toujours nous appuyer les uns sur les autres. Dans cet équilibre précaire mais retrouvé, les deux danseurs nous entraînent dans une recherche de VIE. Il n’y a plus sur scène qu’un homme et une femme qui s’équilibrent, se déséquilibrent que pour mieux se retrouver.
L’anormalité est-elle dans le regard ou sur la scène ?
Plaidoyer pour une humanité retrouvée.”
Vincent Fritschi
“Loin de travailler les resorts de la ‘danse handicap’, cette pièce courte propose une veritable chorégraphie des corps, de la difference et du désir.”
Salvador Garcia, Dir. Bonlieu/Annecy
Vincent Fritchi a été cofondateur et comédien du Théâtre des Ateliers à Aix-en-Provence, dirigé par Alain Simon. De 1992 au 1995, il est parti vivre à Sarajevo où il a cofondé le Centre Culturel Français André Malraux en 1993. De retour en France, il a travaillé à la Scène Nationale de Bonlieu à Annecy en tant que chargé des relations avec le public. En 2003, pour des raisons inconnues, il est tombé dans un coma, se réveillant trois mois plus tard sévèrement paralysé et malvoyant.
Incapable de lire, il a organisé des lectures publiques à Bonlieu par différentes personnalités dont Michel Piccoli, Hanna Schygulla, Denis Lavant, Dominique Blanc, Jean-Claude Carrière… Après un premier voyage en Tunisie, en mai 2011, “pour voir la révolution en marche”, il y est retourné pour vivre pendant un an, et écrire un livre : Premier pas à Tunis.
Tango for Two and Three-Quarters
for Priscilla and Vincent
Dance, you’d said, was not
for unsteady souls. Last night,
Mr. Cunningham,
we let them stretch, bend and flex
our minds beyond your decree –
poised on the brittle
wings of an urgent thought: what
of bodies, they asked.
A double duet of eyes –
one set blue, the other brown
(with specks of beryl) –
that soared, dipped and swooped
through a maze of minds,
leaving behind curlicues
of smoking questions as gifts.
Yes, bodies are a
different matter; whether
broken, spent, even
absent – damaged goods that try
to mend, or follow the beat
of souls striding forth
on firm feet to a stage primed
for the strange dyad:
a man who’d stopped walking and
a woman who danced no more.
Heads, limbs and torsos
featured but they’re valiant hearts
that took centre-stage
as elisions of flesh shared
hushed backdrops with future ghosts.
An adagio played
on will and a walking-stick
(three-pronged, grey-and-white);
glissades with a motorized
wheel-chair for verve, whim and grace;
closed with the embrace
of unborn hope – a tango
for two and three-fourths.
Yes, bodies will dance where souls
hear music in every breath.
Karthika Naïr
dans Bearings (HarperCollins India, 2009)
Photos: Alexandre Chevillard, tous droits réservés